Le cuir dans tous ses états

S’il a y bien un sujet qui divise le monde de la mode actuellement, c’est le sujet de l’utilisation du cuir.

Premier vêtement de notre humanité

Pour rappel, son usage date de la préhistoire, l’homme se rendit compte que les animaux qu’il mangeait n’étaient pas qu’une source de nourriture, mais pouvaient aussi servir de vêtements et d’habitats. Naissance du concept de zéro dechet… Cependant, une peau non traitée met très peu de temps à entrer en putréfaction. 

Une peau devient cuir quand elle est traitée…le tannage.

On ignore la date d’invention du tannage végétal, sa découverte résulte en grande partie du hasard. Des peaux se retrouvèrent immergées dans un point d’eau entouré d’arbres, des écorces et des feuilles s’y trouvaient qui joua le rôle d’agent tannant. Les traces probantes de cette utilisation remontent à l’Antiquité.

L’industrialisation

Au Moyen Âge, l’industrie cuir s’organise pour fournir chaussures, selleries, et habits. On s’installe près des cours d’eaux utilisant uniquement des tannages végétaux. Au XIXe siècle, de nombreuses découvertes furent réalisées et le travail du cuir au chrome est apparu pour accélérer les temps de production donc de rentabilité avec les problèmes environnementaux que nous connaissons aujourd’hui.

Les préoccupations éthiques et environnementales croissantes ont sans aucun doute conduit à l’essor du cuir végétalien ces dernières années. Et comme de nombreuses grandes marques abandonnent la fourrure (notamment Chanel, Burberry, Gucci et Prada) et les peaux d’animaux exotiques, les experts estiment que la peau de vache pourrait être la prochaine sur la liste.

Qu’est ce qui cloche ?

La quantité

Plus d’un milliard d’animaux sont élevés pour la production viande et lait, leurs peaux sont alors revalorisées en cuirs quand cela est possible.

Selon l’étude de Textile Exchange en 2020, la production mondiale de cuir est estimée à plus de sept millions de tonnes par an.

Devant l’augmentation grandissante de notre consommation de viande et de produits laitiers ces dix dernières années (le burger étant le plat le plus consommé au monde), nous ne pouvons reporter la faute sur le cuir mais en amont sur la sur-consommation de produits issues des animaux. En 2019, on estime que l’élevage bovin est à l’origine d’environ 14,5% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde, ce qui représente une part plus importante que les gaz produits par les transports (données de l’Institute for Climate Economics).

Les élevages intensifs et les abattoirs ne respectant pas les protocoles de fin de vie sans douleurs se sont révélés au grand public avec les associations comme PETA ou L214 sensibilisant ainsi l’opinion.

Mais si cette transformation des peaux en cuirs n’existaient pas « les déchets traités par la filière représenteraient chaque année l’équivalent de 12 à 14 pyramides de Khéops » selon Egbert Dikkers, Président de Leather Naturally.

En image, le marquage des peaux - Photo Conseil National du cuir.

« L’ère du responsable remet en question les exploitations intensives et de la maltraitance et ouvre la voie vers une traçabilité exemplaire ».

Frank Boehly, Président du Conseil National du Cuir.

La traçabilité

La filière du cuir est la filière la plus obscure de l’industrie de l’habillement. Les peaux proviennent du monde entier et la prise en compte des normes RSE est bien différente selon les pays. Ainsi, les peaux de chèvres proviennent d’Inde, du Pakistan ou du Nigeria, alors que l’Espagne est la référence pour les ovins,  la France et des Pays-Bas pour la peau de veau.

Un cuir brut venu de Hollande ou d’Espagne peut être exporté vers l’Italie, faire l’objet d’une opération de tannage, puis revenir pour une finition spécifique en France. La traçabilité est donc l’enjeu majeur de la filière du cuir et un travail à l’échelle mondiale est nécessaire pour améliorer les pratiques.

Tannage minéral : chrome VI, sels d'aluminium et du zirconium (et bien d’autres agents toxiques…)

A l’échelle de la production mondiale, c’est 85% des cuirs qui sont tannés au chrome. Une méthode pointée du doigt pour ces dégâts sur la santé et l’environnement – notamment dans les pays en voies de développements. Les rejets industriels chargés en métaux lourds empoisonnent l’homme et les écosystèmes. Ce n’est pas un souci en Europe (grâce à la directive européenne n°2000/60/CE qui encadre ces pratiques), mais plutôt dans toutes les zones productrices de cuir sans réglementation protectrice (au Maroc, mais surtout au Bangladesh et en Inde).

Cuir et alternatives

En 2020, c’est 2% de la population française qui s’abstiendrait de consommer des produits vestimentaires d’origine animal selon le cabinet Xerfi.

Est-ce la population végan qui risque de perturber l’ordre établit ? Elle est une demande en croissance sur les marchés de l’alimentaire et de la cosmétique qui n’est plus à ignorer. De plus, tout comme la révolution industrielle du XIX, la révolution écologique nous pousse à plus de circularité et à davantage utiliser les déchets accompagnés par des technologies de pointes. C’est le nouveau combat, Low tech versus High tech.

Composition : Matière principale : 56% polyéthane, 44% polyester Doublure : 50% polyamide, 50% polyuréthane Sac de la marque Stella Mc Cartney appelé « sac à bandoulière végétarien ». La composition indique qu’il est… en plastique!

Faux cuirs ou cuirs végan, nouveaux cuirs, cuirs recyclés… Quels sont les alternatives au cuir?

Cuir de pomme Apple Skin, cuir de raisin Végéa, cuir d’ananas Pinatex, cuir de cactus Desserto, …

Ces alternatives ne devraient pas utiliser le terme de cuir réservé à une peau d’origine animal transformé. Mais a des fins marketing ce terme est détourné pour créer une similitude d’usage et de qualité.

Dans toute l’Europe et encore plus loin, les déchets agroalimentaires sont analysés par autant de start-up qui rêvent de révolutionner les usages et revendiquent les nouveaux modes de consommations végans et des approches plus écologiques.

@textileexchange

Le problème ? Les résultats ne sont pas tout à fait au rendez-vous.

L’usage des végétaux requièrent d’y ajouter un liant, des enductions, bien souvent en polyuréthane ou d’autres polymères issus de la pétrochimie à hauteur de 42% par exemple pour le cuir d’ananas de Pinatex. Les mêmes que dans le similicuir que l’on appelle aussi PVC ou skaï. Des dérivés de pétroles toxiques pour l’environnement et impossible à recycler!

Du côté de la durabilité, nous sommes loin des compétences naturelles que possède le vrai cuir, qui est dans la structure même de la peau possède de l’élastine et les fibroblastes, petits ressorts naturels, lui permettant d’avoir une élasticité, une matière qui se plisse et se patine plutôt qui se cassent et qui se ternie.Car finalement, tous ces produits peuvent avoir un impact néfaste si leurs durées de vies sont limitées et leurs recyclages impossibles.

Les cuirs issus de la biotechnologie avec la culture de cellules fongiques en mycélium ou en champignon nourrit de sciure de bois sont en pleins essors. Le matériau Mylo de Bolt Threads, l’un des cuirs de laboratoire les plus prometteurs à apparaître sur le marché.

« Dans un monde où nous cherchons à nous éloigner des produits animaux d’une part, et des produits pétrochimiques d’autre part, il faut vraiment donner naissance à cette troisième catégorie », explique Andras Forgacs, PDG de Modern Meadow, une entreprise qui crée des matériaux sans animaux. D’autres entreprises travaillent la culture du cuir en laboratoires, comme Leather Grown Lab ou MycoWorks dont Kering et LVMH investissent dans ces entreprises créatrices des cuirs du futur.

Cuir végan, cuir de mycélium, pour nous d’autres alternatives existent incluant davantage de circularité.

En image, des chutes de cuirs. 30%, c’est la quantité de déchets générés en moyenne dans les usines de production de maroquinerie dans le monde. Selon l’ONU en 2000, cela représentait 1 million de tonnes de chute de production dans la monde.

La société Recyc Leather TM innove dans la valorisation de ces chutes pour en faire de nouveaux cuirs recyclés.

Revaloriser des stocks de cuirs dormants, c’est le crédo d’Adapta qui source des cuirs délaissés dans des usines ou de maisons de prêt à porter pour les revendre après un minutieux contrôle qualité à des jeunes créateurs ou des maisons de prêt à porter.

Le cuir recyclé de Recyc leather TM, fabrique un cuir à partir de 60% de cuir issus de chute de production de gants de jardin, avec 30% d’hévéa un liant naturel et 10% de revêtement en polyuréthane à base d’eau. Le cuir recyclé aurait un impact carbone deux fois plus faible que du cuir commun.

Le tannage végétal évite l’utilisation de chrome en le remplaçant par des extraits végétaux concentrés, provenant du bois, de l’écorce, de baies ou encore de feuilles. Il permet de valoriser les peaux sans être source de pollution et de problèmes de santé. Si cette technique est moins utilisée, c’est pour une raison : le coût. Le tannage végétal demande 3 fois plus de temps de pose que le tannage minéral, d’autres contraintes le rendent plus exclusif comme une gamme de couleur plus limitées. Le tannage végétal possède la grande vertu de pouvoir recycler le cuir. L’entreprise Olivenleder® innove dans le tannage végétal avec des peaux tannés 100% à la feuille d’olivier.

Eco-concevoir des produits 100% issus de fibres naturelles et biodégradables.

C’est le défi de la toute jeune marque UMOJA qui a éco-conçu des baskets

100%végétale : Lin européen et filé en France, coton biologique de Burkinafaso issue d’une coopérative du commerce équitable, semelle en 100% lait d’Hevea d’Asie.

Le combat pour l’écologie est davantage dans nos assiettes que dans nos baskets

Le cuir est un déchet issu de l’agronomie, dans une démarche d’économie circulaire ce déchet ne peut être exclut. Incontestablement, c’est l’un des produits de l’habillement les plus résistants et par définition durable.

Le combat pour l’écologie est davantage dans nos assiettes que dans nos baskets, les élevages intensifs qui fournissent des burgers à 1$ et dont les peaux de très mauvaises qualités ne sont pas revalorisées (engraissage rapide, blessures,.

A savoir, qu’en France, l’assiette d’un français est composée en moyenne 1/3 protéines végétales et 2/3 de protéines animales. Réduire sa consommation de viande de 10g par jour reviendrait à économiser de 200m2 de sols cultivables par habitant chaque année selon Antoine Pierart, Ingénieur en agronomie et environnement, à l’Ademe.

Aussi, à l’échelle de la France le cuir représente une véritable économie : 12.800 entreprises générant 132.600 emplois et un chiffre d’affaires de 25 milliards d’euros, dont 12 milliards à l’export. Mais surtout perpétue des savoir-faire datant du moyen-âge.

Pour poursuivre ce sujet, j’aurais le plaisir de m’entretenir en Live Instagram avec le co-fondateur de Recyc’Leather® , Oliver Grammont depuis le compte consciousfashion.fr en juillet. La date sera prochainement communiquée.

Et vous, quel est votre point de vue sur l’utilisation du cuir ?

Au plaisir d’échanger avec vous.

Consciously vôtre,

Claire, fondatrice de Conscious Fashion

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